Sébastien Pilote au Conseil des arts de Saguenay Photo CAS |
"Je suis cinéaste. Et on me demande très souvent pourquoi je reste au Saguenay. T’es cinéaste, t’es au Saguenay? Le monde est toujours étonné. Ils font la grimace. Ils sourient. Ils pensent que je ne suis pas sérieux… Des fois, je comprends, des fois ça m’énerve. Dans ce temps-là, j’explique que pour moi c’est important d’occuper le territoire. L’occuper physiquement, mais aussi au niveau de l’imaginaire. Que c’est bien, par exemple, de creuser des trous et de mettre des drapeaux dans le Grand Nord québécois, mais aussi, c’est important d’y accueillir des poètes, des écrivains, des cinéastes, des architectes… C’est de cette manière-là que le territoire finit par réellement nous appartenir. Quand on occupe physiquement un territoire pour exploiter ses ressources naturelles, y implanter des usines, c’est bien, mais sans l’occuper culturellement, je pense que c’est la pire chose qui puisse arriver à une société, à une ville. Elle se meurt. Elle est toujours là, mais elle pourrit de l’intérieur. Ça tire l’humanité vers le bas. Ça enlève son sens à la vie. Et je pense que c’est dans ces moments-là, qu’on se met à chercher le sens dans les mauvais endroits. Ce qui peut devenir dangereux lorsqu’on est plusieurs à le faire… En groupe. Chercher le sens au mauvais endroit…
Quand on regarde la place qu’occupait la culture, les arts, la philosophie, les sciences, dans les grandes sociétés d’autrefois, dans les grandes villes, parfois petites, mais GRANDES, et comment cette culture a tiré les être humains vers le haut, et comment on profite encore des vestiges et des enseignements de ces sociétés-là, on ne peut qu’être étonnés de voir comment aujourd’hui, on a réduit dans notre société, dans notre ville, la place des arts et de la culture, des penseurs et des artistes. On l’a marginalisée. En la confondant avec l’ « industriel show-business » entre autres. Mais en étant indifférents surtout. Moi, ça me bouleverse. Ça me vire à l’envers et ça m’inquiète. Les arts, et la culture en général, c’est une chose qui ne doit pas rester en marge, en parallèle, ce n’est pas un mal nécessaire, ce n’est pas un divertissement passager et occasionnel, ce n’est pas une SORTIE un weekend, ou un petit soir de semaine. Ce n’est pas une activité, une spécialité. La culture n’est pas un passe-temps de temps-en-temps. C’est TOUJOURS. À chaque jour. Ça doit être au cœur de nos vies, de nos villes. Dans notre travail! Et c’est là que ça devient passionnant. C’est l’art de vivre. C’est l’art de construire. Ce n’est pas sorcier, il s’agit de s’y intéresser. Faut savoir par où commencer. D’abord, il faut rejeter l’indifférence. C’est le pire obstacle. Sans doute le plus insurmontable pour beaucoup de monde. Puis, ensuite, on ouvre un livre sur la poésie, sur le cinéma, sur l’histoire de la peinture, la photographie, et c’est parti! On touche à l’universel. À quelque chose qui ressemble à la beauté.
Malheureusement, aujourd’hui, on est aveuglés et obsédés par le « rentable », l’utile, le court terme. Le spectaculaire! Le poète, écrivain et penseur autrichien Stefan Zweig écrivait : « Le concret, le palpable, est toujours plus accessible à la masse que l’abstrait, c’est pourquoi en politique, (j’ajouterais dans les médias modernes,) tout mot d’ordre exprimant un antagoniste, (un ennemi) et dirigé contre une classe, une race, une religion, (et j’ajouterais les syndiqués, les fonctionnaires, les artistes, les étudiants et les intellectuels… le monde qui est allé à l’école trop longtemps… vous savez?) trouvera toujours plus d’écho que la proclamation d’un idéal qui lui est moins commode à saisir. »
Les arts, la culture, croire en l’homme, en l’humanisme, c’est un idéal. Je trouve qu’au Québec actuellement, il y a beaucoup trop de monde qui essaie de MONTER les gens les uns contre les autres. On a juste besoin d’ouvrir la radio, de lire certains journaux, lire les « commentateurs professionnels » qui ont une opinion sur tout, mais surtout sur rien, pour le remarquer. Il y a même des personnes qui en ont fait une carrière. Des radios qui en ont fait un credo. « Monter les gens les uns contre les autres. » Les arts, la culture, ça sert à faire le contraire. C’est pour ça qu’on est là ce soir, ensemble, et je vous remercie.
En souhaitant que vous ayez la même ambition que moi à ce qui a trait à la vie en société dans notre ville, je vous dis bonne soirée! et merci d’appuyer le Conseil des arts de Saguenay!"
- Sébastien Pilote
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